Les inscriptions de la Font Ria à déchiffrer…
À proximité immédiate de la source de la Font Ria, se trouvent deux grosses pierres du granite local, grossièrement équarries, et qui portent chacune une inscription de 4 lignes en capitales Elzevir d’une hauteur de 5 cm environ :
JE GLACE DE PEVR EN PERDANT MA SOEUR
CAR LON ME CARESSE LORSQVELLE ME LAISSE
Le mystère inquiétant de ces inscriptions (dans leur ancienne disposition, on pouvait lire surtout GLACE DE PEUR) a longtemps fait recommander de ne boire en aucun cas de cette eau glacée et peut-être malsaine…
Dans les années 1970, l’abbé Jean Granger, père Mariste, ancien professeur de lettres et aumônier de l’hôpital de Saint-Jean-Bonnefonds, et passionné d’archéologie, a échafaudé une explication à cette énigme, à partir de sa découverte du fragment d’une troisième inscription portant sur 4 lignes les lettres « LE C », « AR », « MO » et « V ». Il a avait également reconnu une source intermittente, à 5 mètres environ de la source pérenne principale. Cette source créait autrefois une zone humide qui a été drainée. Elle coule de manière intermittente, lors de la fonte des neiges ou de fortes pluies, mais alimenterait toujours la source principale par des fissures souterraines.
Le père GRANGER a donc proposé la reconstitution suivante de la troisième inscription :
LE COULAGE ARRESTE, MON ONDE VOUS RESTE
Les inscriptions seraient donc un dialogue entre les deux sources. Il a également pris, avec l’accord du propriétaire du bois, l’excellente initiative de faire aménager la source et sceller les pierres, en complétant la troisième inscription sur du ciment.
Le père Granger estimait que les inscriptions ont été composées par l’abbé Louis Jacquemin dit « Donnet », né au hameau de Violet entre 1585 et 1592 (époque à laquelle il y a une lacune dans les registres de baptême de Saint-Genest), probablement ordonné en 1613, et mort fin 1652, qui était également poète.
Il est l’auteur d’un petit récit mythologique en 108 vers intitulé « Antiquitez de Saint Genez de Mallifaut et environs », signé « L. Jacquemin, prestre indigne ». Ce récit burlesque cite le bois Farost et la Font Réale ; il a été lu sur place (« sur un théâtre tragique ») en 1623 par François Rousset, âgé de 16 ans, fils du notaire royal Jean Rousset. Ceci nous démontre que l’abbé Jacquemin connaissait bien la source, d’où l’hypothèse qu’il était l’auteur des inscriptions.
Une étude très approfondie des données de l’épigraphie, de la linguistique et de la chronologie des inscriptions a permis à l’abbé Granger de dater ces dernières de 1614 environ.
L’abbé Jacquemin a également écrit le « Triomphe des Bergers », pièce en vers imprimée à Lyon en 1646 et représentée la même année devant l’église sur un théâtre rustique. Les acteurs étaient au nombre de 30, sans compter les figurants, tous habitants du pays et pris dans presque toutes les familles. L’abbé Jacquemin avait eu un comportement très courageux lors de la peste des années 1628-1632, dont il a écrit un « Journal » publié en 1887 par l’abbé Vanel. Les gens fuyant le fléau se réfugiaient dans des « loges » loin du village, dont certaines se situaient près du « Grand Crest de Farost », aux « Celles de Tamet », tout près de la Font Réale. Mais l’hypothèse que les inscriptions auraient été faites par des réfugiés pendant la peste a été réfutée par l’abbé Granger qui pensait qu’elles sont antérieures (1614).
Clément Rolland
INFORMATIONS PRATIQUES
Pour y accéder, arrêtez-vous à la Croix du Trêves, sur la route entre Saint-Genest-Malifaux et Planfoy, jonction de la D33 à la D510.
La font Ria se situe à environ 200 mètres à l’ouest en contrebas du croisement.